lunes, 5 de noviembre de 2007

Buscando Corso - Prélude

Je cherche un tabacco, parce que je cherche un cahier et un crayon. Un petit cahier, avec des grands interlignes comme dans les annees trente. Je m’appelle Irene Adler, ce qui bien sur est mon vrai nom vu que, depuis quelques temps, c’est ainsi que je m’imagine. Cela compte pour notre recit, au vu qu’Irene Adler est celle qui perdit Sherlock Holmes, d’apres ce que me dit Conan Doyle. Ce fut Irene qui perdit Sherlock, enfin d’apres ce que me dit Lucas Corso, ou plutot Arturo Perez Reverte, car c’est lui qui a cree le caractere. Moi, ce fut l’Espagne qui me perdit, par sa grandeur, pas celles des plages, mais celle des mesetas, des cathedrales qui vous ecrasent d’espace libre, des montagnes et de leurs goufres d’ou Roland aurait saute comme un geant courageux. Il y a aussi cette petitesse indescriptible, celle des petits cafes et de leurs petites terrasses a petites tables, des petits chemins entre les petits arbres, des petites fleurs, des petites pierres qui servent de refuge a des insectes minuscules, des petites fenetres fragilement jaunes qui bloquent le soleil incendiaire, des petites pierres grises que l’on ramasse dans ses poches, des poches d’eau des embalses trop assoifes que pour s’etendre, des petits cahiers d’ecole ou les lignes sont tellement epaisses qu’elles couvrent les mots, des petits magasins a petites enseignes ou l’on fait ses courses a petits pas, a petits comptes. Me dire le mot ‘Espagne’ est un acte qui a ses consequences. Le son du mot reveille souvenirs, sensations perdues dans le corps qui soudain s’eveille et je me retrouve perdue dans des petites rues de la-bas qui sentent le churro, le pain frais, la poussiere, l’enfermement des petits supermercados et de leurs marchandises etiquetees a l’ancienne, le soleil brulant du jour qui monte et incendie les blancs, jaunes et bruns des murs. Comme le diraient certains critiques de l’amour coup de foudre: j’ai l’Espagne dans la peau, je vis en permanence avec cette compagne incongrue. Comme je me le dis souvent, j’ai ete en Espagne trop souvent, ou pas assez souvent. Si vous me prenez par hasard dans la rue, il est probable que vous trouverez sur moi pour le moins deux ou trois objets qui m’ont accompagne un jour la-bas, ou que j’ai choisi d’acheter simplement car il etait ecrit sur l’etiquette ‘made in Spain’. Ma vie est pleine de moments d’Espagne.

Prenons par exemple l’an trois. J’ai une dizaine d’annee. Nous sommes en Andalousie. Pour ceux qui connaissent, nous sommes a l’ouest du Cap Trafalgar, sur la cote du cote du Guadalquivir qui est du cote de Huelva, dans un de ces campings surbondes pres de Palos de la Frontera ou il y a plus d’Espagnols que d’etrangers. C’est le matin. Je me reveille aux bruits de ma mere qui prepare le petit dejeuner. Tout est calme, un calme qui appelle le bruit. Ma mere prepare le cafe doucement sur le camping-gaz, utilisant ce filtre de camping pour lequel mon pere a coupe une petite piece de metal ronde afin d’empecher les grains de cafe de passer dans le thermo. Tout se fait doucement, tranquillement, a petits pas. La tente s’est ouverte a petits pas de la tirette, les boites et coffres s’ouvrent en silence. Les casseroles se mettent sur le gaz doucement, et l’eau bout a son petit rythme, plus vite peut-etre qu’en d’autres lieux car il fait deja 30 degres. La louche descend dans la casserole, monte vers le thermo couronne de son filtre metallique a anche deformee par trop de chaleurs passees, l’eau tombe sur le cafe, et commence sa lente mutation en cafe. La paix matinale est de regle ici. Autant la nuit precedente a ete bruyante, autant le matin se doit d’etre calme et silencieux. Le chuchotement des pas sur le sable des chemins de passage vers les sanitaires sont repondus par des voix anonymes, cachees dans des tentes fermees qui demandent hautement que la paix et la quiete soient respectees dans cette heure matinale ou tout qui se doit devrait encore etre en train de dormir. Maintenant je pourrais aussi commencer en l’an cinq. J’ai une huitaine d’annees. Nous venons de nous promener au sommet du petit mallos local, celui ou il y a cette grotte fantastique pleine de fees, et nous nous sommes diriges vers le petit bar d’Aguero, un village isole des pyrenees, cote espagnol bien sur, pas trop loin de Riglos ou tous les Americains s’en vont pretendre faire de l’escalade dangereuse le long de falaises de mallos epuises d’avoir tenter de faire peur a ces escaladeurs fantoches, et rouges de honte d’etre incapables de chasser ces impudents. Je pourrais aussi décrire ce voyage de l’année neuf. C’est le mois de janvier. J’ai une vingtaine d’annees, et viens de terminer une session d’examens a l’universite. Ce jour je pars en Espagne par bus, pour Seville, ou je vais passer une dizaine de jour a vagabonder. La gare des bus se vide. Je suis nerveuse. L’idee de partir seule, je crois. Je resterais bien la, confortable, a Bruxelles. Apres tout cette capitale venerable est une aventure a part entiere, non? Le tiquet est achete cependant et je n’aime pas les gaspillages. Je monte dans le bus, plein d’Espagnols qui retournent au pays apres avoir passe les fetes avec leurs familles en Belgique. Les chauffeurs sont espagnols aussi. Etrange chose que ce bus. A peine nous prenons la route, la Belgique n’est plus, pas plus que le francais d’ailleurs. Les chauffeurs mettent un film double en espagnol. Sur la route, avant meme de quitter Bruxelles, nous nous arretons partout pour collecter un peu plus de ces hispanophones exiles loin de leurs montagnes, cafes et plaines dessechees. Le bus est plein de bruit. Je crois que je suis la seule francophone a bord en dehors d’un grand gars qui s’accroche a moi comme a un piquet de soutien. La voix de son francais commence a m’enerver cependant. Les autres passagers me parlent en espagnol. Je crois que je suis trop sombre de cheveux que pour passer pour belge, francaise, ou meme pour le moins plus nordique que les Pyrenees ou les Alpes. Ceci est l’Espagne deja. La Belgique nous a quittes quand les portes du bus se sont fermees. Je me sens bien. Contre mon gre, car j’aime cette cacophonie de voix vivantes, je m’endors bientot. Deux jours plus tard, dans mon auberge a Seville, je reverai en espagnol.

Depuis ce voyage, quand je me sens mal, je me mets à rêver d’embarquement pour l’Espagne, et de recontres fortuites dans la rue avec les personnages d’Arturo Perez Reverte, mon auteur préféré, avec Diego Alatriste flanqué d’Iñigo, avec Lucas Corso accompagné, dans l’ombre de ses pas, par Irene Adler, du Père Lorenzo Quart et de Macarena Cruz y Bruner, bras dessus bras dessous, de Jaime Astarloa assis à une terrasse de café plongé dans la rédaction de son traité d’escrime, de Julia et César emportant à l’autre bout du monde un Van Huys volé et plein d’énigmes. J’évoque des paysages jaunes pris en photo, et mes sens se réveillent. Je rêve de paysages jaunes qui crevassent les pieds de leurs visiteurs, de l’odeur de poussière dans des rues où les magasins ferment le jour et ouvrent à la soirée, de ruelles sombres cachant cafés sombres enfumés et masculins, de brouhahas féminins achetant denrées au marché, et consommant cortados, cafes con leche, churros et chocolate, tapas, ou trozos de tortilla tiède, de soirées terminées au goût de carajillo, de tintos de verano et de claras, de la quiétude et fronde des regards espagnols qui vous percent l’âme, et vous annoncent les yeux dans les yeux que la douleur des amours passés qui se tapit derrière les yeux doit laisser la place aux rires d’aujourd’hui.

Ce recit n’a d’autre but que celui de parler de cette omnipresence espagnole dans ma vie. Le silence est mauvais, me dit Arturo Perez-Reverte quand il me decrit Jaime Astarloa et Lucas Corso. A trop le lire, je commence a le croire. Et puis Carlos Ruiz Zafon me dit la meme chose quand il me decrit les amours de Daniel et Beatriz. Il y a aussi le Concerto d’Aranjuez. Le silence est mauvais, sauf quand il est paisible, et meme alors il est possible de l’exprimer. Il est temps que j’exprime cette saignee et douleurs qui me transpercent a chaque fois que j’entends Espagne ou Retiro, brisent le coeur quand j’entends parler la langue de Don Quijote, et que je sens ma langue se paralyser car je sais qu’une conversation isolée ne brisera ma solitude présente que pour un moment trop court, un répit trop bref, engendrant des rêves de départ qui me font peur. Ce recit sont mes elucubrations sur comment l’Espagne est devenue l’ombre de mes pas de tous les jours.



Irène Corso, Noviembre de 2007

viernes, 2 de noviembre de 2007

Haiku

Entre tiempos de Londres
Y otros de Belgica
Estabamos que perder


Irène Corso, 3 de Noviembre 2007

Haiku

I wish cards
Would still be to
Play for us

Irène Corso, Celles, 3 de Noviembre

Barcelonas

Barcelona sits in front of me
It sits on my train
How weird is this?
You take a train that
Ought take you away
And you sit in front of it
That train contains
Other trains, where
You hoped, smiled,
Despaired, cried,
Feared
There are also there
All those other trains
You dreamt about
Stealing away
These you never
Admitted to love
Until it was too late
Barcelona looks at me
White on black
As if hiding the secrets I conceal
The city stalks me
I swear I saw it in
The comic book shop today
And in my friend talking
About books
We might wish to forget
But we can only go along
The flow
On roads, trains, planes
Life is cluttered with Barcelonas
Mine sits
On the side of the Vlatva
Underneath the shadows
Of the Sagrada Familia
And under the loving guardship
Of Knightsbridge
I do not know
What your Barcelona is
But I wish you loved it
That is the least
We can do
After all
Either you love
Either you don't

Irène Corso, Namur & Celles, 3 de Noviembre

On Love

Beckett tells me
Either you love
Either you don't
Where the hell am I?


Irène Corso, Celles, 3 de Noviembre 2007

Haiku

Night or day,
I am lost
On the tracks


Irène Corso, Namur, 2 de Noviembre 2007

The Train of Life

Night has fallen
And the clouds hide
The sky under curtains of grey
Depriving trees
Of warm legendary lights
It is Friday night
And I am sitting
Waiting
Waiting for old days
To pop on the metallic seat
Next to me and say hello
I am waiting
For the train of life
That will surely
Take me away
Towards elder times
Lights are dim
After all this is a train station
I hope they stay so
Past and future cannot
Be divorced
Like
Black and white
Death and life
Tarot and plans
Madness and reason
Two sides of the walls and coins of
The castle of destinies above
A train tells me
Goodbye that
Sounds like Good Day
Another tells me
Good Day
And I hear the
Train of Death
Ringing the local church
Night has fallen
On the platform
And I cry for the
Pains of yesterday
I recall old days
And call for the new ones
Of tomorrow
I am waiting
Yet
I have to go
It is almost day
My train has
Landed on my platform
My bitter days have entered me
And I am allowed
A ticket for my next station


Irène Corso, Namur & Celles, 2 de Noviembre 2007

Pinches


I cross the bridge
It is a border
Between
Old and new
Awake and tired
My left shows off
Fogs voluntarily hiding
Exhausts of
Burning dirt in the sky
Even bridges have forgotten
To grow
For it is too sad
To connect dirt with dirt
My right bears the
Scars of well-thinking
Righteous bourgeois
There bridges flourish
Maybe too much because
We forget
What nice clothing often entails
It is Sunday and the market of the poor
Even
Dares spreading close to
The beautiful castle
One side
Marriage of picturesque stones with
Hand-made roofing
Other side
Divorce of the ugliness of
Common concrete with unemotional slates
I am on the bridge
And the cars deafen my ears
The wind burns my nose
And my head hurts
I belong to this bridge
To this conspicuous border
From where I admire
The ancient and the modern
I wear old clothes
I cannot renew
And yet work with
Royal blue blood
Opposites pinch me
And I refuse to
Choose my camp
Maybe I should not stay
And return to this home
I have not found yet


Irène Corso, Namur, 22/10/2007

Pluie

Ce matin, j’ai quitté la pluie sous les nuages et mon regard s’est échappé par delà les brumes et l’opacité des gouttes d’une ville grise et translucide. J’observe. Il pleut toujours et ma voiture se trompe de voie pour rouler dans des flaques qui s’apprêtent à la couvrir d’un manteau de perles La voiture fait chanter une flaque, la suivante crée le rythme et le bus qui les dépasse amorce des mélodies étranges toutes de moments non écoutés de répercussions solitaires. Les flaques deviennent enluminures sur les chapeaux noirs trop grands que les passants retiennent à bouts de bâtons repliables grotesques. D’autres ont oublié leurs chapeaux et se recroquevillent vers des chaussures trop petites et béantes sous le ciel. Les lacets se pressent. La pluie ne s’arrête jamais vraiment, ou pour un bref instant seulement. Elle s’interrompt dans des silences émouvants de lumière qui allume les gris, nuance les nuages écrasés de perles de pluie, écrase les chapeaux noirs qui se replient et cachent les bâtons grotesques qui soutenaient les nuages trop lourds.

Mais la pluie reprend, toujours, et la terre soupire de saveurs profondes de sec ressentiment. Les toits reluisent de nouveau et les nuages se voilent. La rue fredonne de l’intérieur sous les pas des passants et les roues des véhicules qui se pressent de nouveau. Les voix se taisent sous les chapeaux qui transitent de pub en pub, de parvis à parvis, de bus à train et de train à taxi. La ville grisonne sous un parapluie sombre de gouttes pesantes et translucides qui la couvrent. Les chapeaux jouent de nouveau, s’amusent à dissimuler et déployer leurs bras mécaniques et humains grotesques qui sortent de chaussures humides d’où les mains pointent vers le ciel sans jamais le regarder vraiment. J’ai alors retrouvé la pluie car j’ai vu mon bras s’étendre entre mes chaussures et mon chapeau noir qui soutenait le ciel.


Irène Corso

Manchester, 18 de junio 2001